UNE AUTRE VERSION PLASTIQUE DU SAC

Toulouse 2006.
Le Maroc, chacun connaît, la grande beauté du pays n’est plus à dire, certains en rapportent l’objet déniché, acheté au fil du voyage, d’autres s’y installent, c’est une destination à la mode…
Emmanuel Benoit sillonne le pays, la campagne, il en rapporte des petits sacs plastiques de couleur qui s’envolent au gré du vent, qui viennent d’ici ou d’ailleurs, il les accroche sur un fil, tel le linge aux fenêtres de Naples, il photographie.
Cet exemplaire, le cliché, reproduit sur papier sera « l’image ». Il la colle dans les anciennes ouvertures, aujourd’hui murées de la vieille ville de Toulouse.
Une image surgit dans la ville, quelque chose se passe ou ne se passe pas, le passant lui la voit ou ne la voit pas, c’est cela qu’Emmanuel Benoit tente de saisir : un instant de réel. Investir la ville, faire surgir du réel d’un geste poétique. Il tente de saisir cet instant. D’une image en naît une autre, il photographie.
Paul Veyne professeur d’histoire gréco-romaine au collège de France présentait ainsi le grand artiste dessinateur Ernest Pignon Ernest dont l’œuvre a inspiré Emmanuel Benoit.
« De la colle, du papier, de la sérigraphie, une image que le vent commence à décoller. Refus du luxe, des couleurs, refus de tout ce qui pourrait ouvrir l’œuvre à la gloire et à la certitude. Pour qui créer encore ? Pour les musées ? Des connaisseurs ? Pitié… Pour des passants, s’ils regardent ».
Mais Toulouse n’est ni Naples, ni Marseille, ni Barcelone, ni Tanger. Certains propriétaires des édifices qui accueillent « l’image » soudain la bichonnent, la protègent, la réparent… Le réflexe du collectionneur n’est pas loin. D’autres riverains s’étonnent de cette image qu’ils croisent depuis un moment dans leur parcours quotidien, ils ont déjà leur dialogue intime avec elle.
Faisons confiance à Emmanuel Benoit, qu’il continue à investir l’espace public de ces images éphémères.
R.Huguenin